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C'est chaud dans l'air

C'est chaud dans l'air !

 

Jeudi soir. Nous sommes le 10 décembre, il est 18h05. Douala, Cameroun. Mon avion vient d'atterrir, en provenance de Paris, sous les applaudissements généraux des passagers. Nous sommes environ 200 passagers à bord ; tous bien soulagés que ce long voyage se soit finalement bien passé, malgré le retard d'une heure que notre vol accusait.

Au départ, le matin à Paris, l'avion fût retenu à l'Aéroport Charles de Gaule pour des raisons de sécurité. Une passagère refusait d'évacuer. Plongé dans une absolue confusion, les passagers s'interrogeaient du regard, les uns les autres. Ceux qui étaient déjà installés à leurs sièges ne pouvaient voir grand-chose de ce qui se passait là-bas, à l'avant de l'appareil. Des cris et quelques complaintes crachées en béti (dialecte parlé dans le Sud du Cameroun) étaient tout ce dont ils devaient se contenter. Quant à ceux qui embarquaient encore, l'accueil n'était pas des plus commodes : la jeune femme, apparemment « intruse » dans l'appareil, se débattait là à quelques pas, derrière des hôtesses qui tentaient tant bien que mal de distraire l'attention par des sourires et des mots de bienvenue.

Il fallut finalement l'intervention des forces de l'ordre pour rassurer tout le monde, et la conduire à l'extérieur de l'appareil. Mais l'opération ne se passa pas sans embarras. D'où j'étais assis je n'ai rien vu, mais j'ai entendu la voix défaite de cette femme, hurler désespérément : « Lâchez mon cou ! Lâchez mon cou ! Vous voulez seulement me tuer ? Il me fait mal ! Mon cou ! Mon cou… Aie ! Aie ! Aie ! » Puis je me suis levé pour constater qu'elle se rendait, dans un flot de larmes et un flow d'insultes béti… Cette scène laissa certains passagers dans la gêne, et l'incompréhension, quand d'autres s'en moquaient d'autant plus qu'ils s'agaçaient du retard qu'on prenait. Les commentaires divers animèrent ainsi la cabine jusqu'au décollage.

La version la plus répandue de l'histoire suggérait que cette femme, avait contrarié son copain (ou mari), un homme blanc. Ils s'apprêtaient à s'envoler pour le Cameroun, pour passer les fêtes avec la famille de la fille, et remonter en France avec le fils de celle-ci. Et après l'accrochage verbal entre les deux adultes, l'homme a abandonné l'idée de sortir de son pays, est redescendu de l'avion et s'en est allé avec les deux tickets d'embarquement. Prise au dépourvue, et maintenant dos au mur, la jeune femme a opté pour le scandale public, dans l'espoir que, par quelque compassion, les membres de l'équipage la laisseraient voyager ainsi, de façon irrégulière. Malgré les supplications, et les tentatives de négociation, l'homme n'est jamais revenu chercher sa compagne à bord. La suite, on la connait…

Notre avion a donc quitté le sol parisien à 11h10, et nous avons flirté avec les nuages pendant 6h50. Le voyage s'est ainsi déroulé sans incident majeur jusqu'à Douala, capitale économique du Cameroun.

Le paysage est tout de suite différent. Ce n'est pas la première fois que je viens (ou reviens –c'est plus adéquat) ici, puisque j'y suis né et j'y ai vécu jusqu'à l'âge de 14 ans. Cependant jusque là, mon regard n'était pas aussi curieux de la différence. A travers le hublot, je constate combien les installations sont maigres, les bâtiments anciens et assez marqués par la chaleur. La piste est un peu humide. Le soleil se couche lentement, mais il fait encore jour. Nous débarquons les uns après les autres, chacun dans l'expectative peut-être de ce qui l'attend au cours de son séjour… ou pas !

Comme dans mon souvenir, rien n'a changé : une chaleur étouffante s'engouffre dans mes narines épatées pour aller baptiser mes poumons d'un air tiède et humide. Hé ! Hé ! Ma ville natale me souhaite la bienvenue ! Je marque un temps d'arrêt avant de concéder d'autres inspirations… Autour de moi, des jeunes enfants pleurent ; on ne les avait pas prévenus de cette brutalité ; passé du frigo au four, ça choque forcément, quand on n'est ni habitué, ni averti ! Je vois quelques blancs cligner des yeux, en regardant à gauche et à droite… Il n'y a pas de climatiseurs et la douche ne fait que commencer !

Dans la salle d'attente des bagages, la chaleur a pratiquement doublé, malgré les ventilateurs. Perché un peu plus haut sur un balcon intérieur, mon frère siffle après moi, pour me signaler sa présence. Je me retourne donc, ravi de voir enfin un visage familier, m'approche et lui demande : « ça va ? » lui de me répondre très justement : « tu as combien de bagages ? ». Pour ne pas perdre le fil de la conversation, je rajoute alors : « tu es venu avec qui ? » Silence. Il me regarde et lâche : « …avec Moka ! » Puis il lève la tête en direction des tapis. J'ai compris, je lui tourne le dos et vais donc surveiller l'arrivée de mes bagages.

Le temps passe, mais rien ne se passe. Il y a trois sorties de tapis roulants devant moi qui sont sensés nous servir nos bagages sur leurs langues interminables, mais les choses semblent assez mal coordonnées. Ça fait bientôt une heure pleine que je suis là, à faire des allers et retours, mon chariot en main, guettant avec suspense le moment de délivrance. Là-haut mon frère s'impatiente, je le sens. Peut-être me soupçonne-t-il d'être complice de cet inconfort. Bref je souris, et en attendant, euh, bah, on attend…

Vers 19h30, j'ai vu un, puis deux… et enfin mon troisième bagage débouler. J'étais enfin délivré de cet enfer, où mes vêtements s'improvisaient éponges de fortune. Paradoxalement, plus ça allait, plus j'avais chaud. Je lève un pouce de soulagement vers l'étage, pour rassurer mon frère. Ensuite je me dirige vers la seule porte de cette salle qui conduit à l'extérieur. Me voici donc au contrôle de douane. L'agent fouille mes sacs, et découvre bientôt que je transporte 5 bouteilles de champagne. Evidemment, ça sent mauvais pour moi, parce qu'il faut payer des droits de douane : 20 000 FCFA par bouteille ! Je suis un peu choqué de la somme que ça fait au total : où vais-je trouver 100 000 FCFA ? Je me ressaisis un peu, et en première intention j'essaie de l'apitoyer : « Chef, autant d'argent comme ça ? Je n'ai même pas un rond sur moi là ! Le voyage m'a déjà tout pris. Regardez vous-mêmes ; on vient de loin, on est fatigué, la chaleur nous touche là, et maintenant il faut encore saigner… ? 20 000FCFA par bouteille ? Chef, ça s'est pour nous gâcher les fêtes ! » Mais il connaissait la chanson, et avant que j'ai le temps de finir mon couplet, il chantait le refrain : « Et ce sont mes fêtes que tu veux gâcher ? » J'ai souri, puis renchérit : « S'il vous plaît chef ! Ce ne sont même pas mes bouteilles ; c'est pour un mariage là, je suis seulement coursier dans l'affaire ci. Faîtes un geste, un pauvre étudiant comme moi, est-ce que je travaille ? » Maintenant il sourit aussi. Mais rien !

Au bout de 10 minutes de négociation, je lui ai proposé de garder le bagage, le temps que j'aille voir dehors si mon frère n'avait pas d'argent sur lui pour me sortir de là. Mon frère s'appelle Junior, Marcel ou Poupouss. C'est au choix ; selon que tu l'embrasses sur le front, sur la joue ou sur la bouche pour le saluer.  Moi je lui serre la main. Je vais donc le rejoindre à l'extérieur, et après une poignée molle, et les regards (surtout le sien) fuyants, je lui expose mon problème. Ce sont les bouteilles pour son mariage en fait. Il s'indigne (d'après lui) et me demande curieusement si je ne pouvais pas « l'assommer et m'enfuir ». Je réponds : « ?! » Et lui de poursuivre :

-          Ils veulent combien ?

-          Tout ce qu'on a.

-          Je n'ai que 10 000…

-          On est foutu.

-          On part alors…

-          Et ma valise ?

-          On la prendra demain ; tu as des choses importantes dedans ?

-          Non, juste toutes mes affaires !

-          Réfléchissons.

-          On a qu'à appeler les parents.

-          Ils sont déjà au village.

-          Tu as raison… Réfléchissons !

-        Mais normalement, on a le droit de voyager avec deux bouteilles maxi, et le reste nous est facturé.

-          J'y retourne alors ?

-       - Oui, on prend nos deux bouteilles légitimes, et on paye pour une troisième. Tu lui dis qu'on a 10 000FCFA. On leur laisse les autres bouteilles.

-          Ok, à tout à l'heure !

Je rejoins l'agent de douane, et lui soumets notre proposition. C'est loin de le contenter. Il m'envoie donc directement chez son Chef, en me précisant que « c'est même mon patron là que vous devez appeler Chef ! » Je crains le pire. Mais je n'ai pas envie d'abandonner mon sac ici pour la nuit. Donc je suis les instructions et poursuis les négociations.

Une fois dans le bureau du Chef, j'explique mon problème, et à ma plus grande surprise, ce dernier se montre bien plus compréhensif que l'agent de tout à l'heure. Après m'avoir soigneusement expliqué la loi camerounaise sur la question des droits de douane concernant les vins, champagnes et autres alcools (avec texte à l'appui), on s'entend donc finalement sur une somme de 20 000FCFA pour délivrer les cinq bouteilles. Je lui remets donc le billet de 10 000FCFA de mon frère, auquel je rajoute 15 Euros que j'avais sur moi au cas où… Il est content et moi je suis libre.

Quand on quitte l'Aéroport International de Douala, la nuit est tombée depuis longtemps. Il est environ 20h30 !

Je crois d'abord qu'on est parti direct pour la maison, mais je me trompe ! On doit encore faire un petit détour à Ndokoti, un quartier complètement à l'opposé de la route qui mène chez nous, à Bonamoussadi. Je soupire dans mon coin. Je peux difficilement nier la fatigue et la lassitude générale qui m'habite. On est loin de l'excitation et de l'accueil auquel je m'attendais peut-être. Mais c'est comme ça, les temps changent et le contexte est différent. En effet, ce détour vers Ndokoti est nécessaire : Une tante à nous, y vit, et nous attend chez elle avec des gâteaux et pâtisseries faits maison, pour le mariage de mon frère (souvenez-vous, Marcel). C'est d'ailleurs lui qui conduit. Moka est assis à l'arrière, et moi à la place du mort. C'est la vie !

On roule ainsi dans les rues de Douala. La voiture est climatisée, donc les vitres sont fermées. J'apprécie cette fraîcheur, qui me rappelle nostalgiquement un climat hivernal que j'étais pourtant pressé de fuir. Seul bémol, je suis coupé de l'extérieur et son ambiance. Je regrette un peu de ne pas pouvoir m'imprégner tout de suite des odeurs des rues, des poissons qu'on braise, des musiques qu'on joue dans les bars et des brulants commérages qui animent les coins chauds, et les quartiers. Je prends mon mal en patience et me contente de ce que mes yeux myopes peuvent encore capturer dans ce fourmillement d'hommes et de femmes en activité. Ça suffit pour me distraire un peu : une moto-taxi (ou bend-skin) qui transporte 3 personnes manque d'être renversée ; de l'autre côté de la route, deux voitures-taxis (ou taxis, voire ta'assi –comme disent les Bamilékés ; la prononciation varie selon la tribu à laquelle on appartient apparemment-) bloquent la circulation parce que chacun estime avoir la priorité ; A gauche sur le trottoir, un homme et une femme se disputent vraisemblablement, puisqu'elle est accrochée fermement à sa chemise (qu'elle froisse d'ailleurs avec application) pendant qu'il se débat d'une main (pas celle qui tient la bière évidemment)… C'est un film sans son malheureusement. Mais je m'amuse bien.

D'un quartier à un autre, on a l'impression que les rues de la ville sont toutes les mêmes ; ou plutôt qu'il y a une uniformisation flagrante des modes de vie de la population ici. C'est simple : même dans les secteurs les moins populaires, les bars, les petits commerces (vente de poisson, de viande, cigarettes, cola, bonbons…) les cybers et les « Call box » longent la chaussée ! En fait, les « Call box »  sont des stands simplets (une chaise derrière une table et un parasol planté au milieu) où une femme (ou un homme d'ailleurs) vend du service téléphonique. Ça a rencontré beaucoup de succès depuis son apparition il y a plus de 7 ans. La minute d'appel se vend à 100FCFA (soit 15 centimes d'Euros) et le client a même la possibilité de faire des transferts de crédit sur son portable, ou acheter des cartes de rechargement là au quartier, sans avoir à l'effectuer à la boutique la plus proche de son opérateur. « Ca c'est la magic ! » Comme dirait Moka. Va trouver ça en France…

On arrive chez notre tante Jackie, au bout de 20 minutes environ, après avoir un peu galéré pour trouver son quartier. C'est son fils (que je n'ai d'ailleurs pas reconnu) qui est venu nous chercher au carrefour. Elle le suivait derrière, à 30 mètres mais dans l'obscurité de la nuit, on ne l'a pas tout de suite vue arriver. Elle nous reçoit donc et m'aide à m'actualiser sur le prénom et l'ordre de naissance de ses enfants. Après 2 garçons, elle vient d'accoucher d'une fille qui a 3 mois. J'ai déjà oublié le prénom de la petite. Elle ne connait pas le mien de toute façon ; on est quitte !

Tata Jackie nous installe dans son salon, s'excuse parce qu'elle est encore aux fourneaux, puis nous bavardons de tout et de rien, mai surtout de ce que nous devenons et faisons « là-bas ». Ensuite elle sert des jus à boire, en attendant que les derniers gâteaux cuisent au four. Donc on boit tous les trois (sans elle), en discutant sérieusement. Je demande :

-          J'ai appris que la dot a eu lieu la semaine dernière ?

-          Oui, dit-il timidement en secouant la tête.

-          C'était comment alors, raconte.

-          C'était là. Finit-il par développer.

Long silence. On boit. Moka me lance :

-          Gars, on dit quoi ? Pourquoi tu regardes les murs et le toit de la maison ci comme ça non ? Tu veux vivre ici ?

-          Haha ! Non, en fait j'atterris doucement, mec ! Et en même temps, j'essaie de me replonger dans le passé quand je regarde ces photos de mariage là accrochées un peu partout. Je me souviens qu'on y était et…

-          Mais non, on n'y était pas ! intervient Marcel.

-          Quoi ? Si… attends c'était en 2000 ou 2001… Ah mais tu étais peut-être déjà parti (en France).

-          Ah ! En tout cas moi je n'étais pas là, donc je ne vois pas pourquoi tu nous parle de ça.

-          Je suis encore libre de raconter ce que je veux non ?!

-          Tu crois que ça intéresse qui ? dit-il en rigolant un peu. Willy, Willy même ta grand-mère n'a pas demandé de tes nouvelles…

-          Ok ! Ce n'est pas grave, je vais donc essayez de profiter de mon séjour sans l'amour des gens… J'ai mes propres plans, de toute façon. Dis-je un peu agacé de la tournure de cet échange.

-          Je dis hein, vous jouez même à quoi ? Vous êtes sûr que vous êtes frères ? Ça, c'est la magic ! S'en mêla Moka.

Il n'y a rien. On s'observe. On boit. On se réinstalle mieux dans nos fauteuils. Bref, on attend notre tante et les gâteaux…

Là voilà ! Son fils aîné l'aide à emballer les pâtisseries et nous voici entrain de dire au revoir à tout le monde. Dans la voiture, j'apprends qu'il faudra ressortir vers minuit, en taxi pour aller chercher quelqu'un à l'Aéroport. Encore… Curieux, mais surtout pas très enchanté, je demande donc : « De qui s'agit-il ? » Marcel est peut-être contrarié : « Tu ne la connais pas. » Et moi d'en rajouter : « Mais elle a un nom s'il te plaît ? » Il s'adoucit : « Qu'est-ce que ça va changer ? » Je ne réponds plus rien, un peu dépassé par les événements à vrai dire. Seulement je rumine, parce que ça me fait un peu chier de revenir si loin en ville (par rapport à notre maison) pour une fille qui voyage sans identité. Bref, on ne va pas essayer de savoir quel est son problème.

On roule jusqu'à Bonamoussadi… Pas de lampadaires dans ce secteur. Les rues sont sombres mais pas désertes. Jamais. Il y a du mouvement dehors, chaque soir ici. On dépasse la Clinique Ad Lucem, puis les stations services Total, Mobil, et au carrefour de la Maetur, on s'arrête à Tradex pour faire le plein ; c'est juste en face. On est à 5 minutes de la maison ! Une fois le Gasoil embarqué, on redémarre ; on passe devant un grand quartier résidentiel appelé Denver, où quelques riches de la ville se sont établis, là-bas entre eux, loin de la pauvreté et la misère des bidonvilles, pour éviter les mélanges douteux. Rien n'a véritablement changé, si ce n'est qu'une ou deux nouvelles villas sont sorties du sol. Il y a un nouvel Hôtel aussi, juste en bordure de chaussée. C'est toujours aussi chic. Et le contraste avec le trottoir d'en face est toujours aussi criant ; si ce n'est plus ! Samuel Eto'o y a même construit son pied à terre, à Douala…

On arrive ensuite au carrefour du marché. La zone est déserte, les marchands ont déjà fermé boutique à cette heure. On continue… Le carrefour du Lycée que les bensikin ont élu point de départ, pour profiter de l'affluence causée par les bars des environs, et les élèves du Lycée d'Akwa Nord. Et enfin le Terminus, mon quartier, et en même temps le terminus de cette petite visite de la ville…

Les retrouvailles avec la famille sont joyeuses. Mes petites sœurs ont grandi, ma nièce aussi. Ma demi-sœur aînée est là, une grande cousine maternelle aussi. Ainsi que la sœur cadette de ma mère et sa fille, Lise qui a 3 ans. Bref tous ces visages font plaisir à voir mais je ressens de plus en plus la fatigue. Mais je sens que ce sera mission impossible de dormir tout de suite. Mireille et Lucie m'ont déjà sauté dessus, et bombardé de questions étranges et qu'elles seules comprennent… Je joue le jeu, parce qu'au moins c'est amusant. On se raconte un peu nos vies respectives ; on mange ensemble, et on rit beaucoup. Elles me trouvent même un peu « naïf » ; d'après elle...

Mireille, 15 ans, est douée en dessins, elle lit beaucoup, écrit des petits romans, et s'intéresse à l'art (cinéma, littérature, musique…), à la psychologie des hommes, à l'écologie et aux univers extra-terrestres ! Quand je lui ai dit que de toute ma vie je n'avais lu qu'une quinzaine de livres en tout et pour tout, elle m'a répondu d'un air déçu : « c'est si peu ! » Ah oui, elle est complètement fan d'Amélie Nothomb, de Mickael Jackson, et des Jolie-Pitt…

Lucie, 11 ans, la dernière de la famille. Elle est très amie avec Mireille. Donc elle l'a rejoint sur la plupart de ses centres d'intérêts, sauf peut-être les extra-terrestres ! A la place, elle, ce sont les jeux vidéo et tout ce qui est Nouvelles Technologies et l'Electronique qui la passionnent vraiment. Elle a donc pris le soin de me demander combien de consoles j'avais, avant de me faire découvrir toutes ses disquettes de jeu… 

 Le temps passe ; il fait toujours aussi chaud. Je n'avais jamais réalisé que j'avais autant de pores…

Je prends une douche froide, histoire de me rafraîchir. Il est bientôt minuit, on doit aller chercher la mystérieuse voyageuse et mon frère sort de sa chambre après avoir intelligemment profité de 2 heures de sommeil. Il doit conduire le lendemain, pendant toute la journée, puisque nous devons rejoindre les parents et la famille au village, à Djoum ! Il faut environ 8 heures de route pour s'y rendre, depuis Douala…

On arrive donc à l'Aéroport sur les coups de 1h30… l'avion de la jeune fille n'est pas encore là ; décidément les avions et les retards ! Mais par le plus grand des hasards je croise une bonne amie, venue elle aussi attendre le vol de son oncle. Elle me saute d'abord dessus, folle de joie et encore dans la surprise, puis me culpabilise parce que j'ai pris l'avion  sans lui dire que j'arrivais. Une série d'excuses, et quelques flatteries plus tard, et l'éponge est passée. On bavarde, on rit, elle se moque de moi, je me moque aussi… de moi ! Il faut faire attention à la susceptibilité des femmes le premier jour ; on ne sait jamais… bref grâce à elle, l'attente de notre invitée fut moins longue et ennuyeuse ; tant de choses à se dire et tant de programmes à mettre en place pour ces périodes de fêtes !

A 3h00, on doit se quitter parce que son oncle a atterri. Mais on se promet de s'appeler et de se revoir bientôt.

30 minutes plus tard, on apprend que l'avion que nous attendions est là ! Nous sommes prostrés, tous les trois (marcel, moka et moi) à l'estrade où mon frère m'attendait tout à l'heure (à mon arrivée), et nous guettons… « Là voilà ! » me souffle Moka. Mon frère venait de la lui désigner apparemment. Je la reconnais ; elle s'appelle Elsa. Une française de souche, blanche comme la neige. Elle porte une robe noire, les cheveux retenus en arrière par un chignon. Ses traits sont fatigués et elle semble un peu secouée du long voyage dont elle revient. Ça se comprend : elle arrive directement de la Russie !

« Elsa ! Elsa ! Elsa ! On est là… » C'était encore Moka, en agitant sa main de gauche à droite (ou de droite à gauche selon si t'es en face ou pas !) Elle avait fini de récupérer ses bagages, donc on lui indiqua qu'on descendait la rejoindre à l'extérieur.

Dehors, quand on arrive à sa hauteur, il y avait une femme qui essayait déjà de lui soutirer son téléphone, qu'elle tenait négligemment. C'est la réalité de mon pays. Quand on vient de loin, on est une cible évidente des autochtones qui voient en tout « voyageur » l'espoir d'un lendemain (ou d'un instant seulement) un peu meilleur. Il leur manque quelques fois un peu de diplomatie dans leurs démarches, tout simplement. Bref, ce sont des choses qui arrivent. Mais fort heureusement, on a évité ce petit traumatisme à Elsa…

Quand on rentre à Bonamoussadi, à la maison, il est presque 4h30… Et on doit reprendre la route avant 7h pour le village ! Elsa prend une douche froide, avant d'aller se reposer un peu. Marcel dort de son côté.

Quant à Moka et moi, on cherche le sommeil :

-          Gars, c'est comment ? Pourquoi tu bloques seulement le ventilateur de ton côté ?

-          Moka, toi-même essaies de comprendre ma situation… avec la chaleur ci, et les moustiques, ce n'est pas évident.

-          Tu crois que les moustiques connaissent ça ? Tu tapes les styles sur le goût de ton sang ? Ça, c'est la magic ! Qui t'as dit que les moustiques d'ici vont même s'intéresser à toi ?!

-          Haha ! Est-ce que c'est un débat ?

-          C'est donc quoi ? Il y a quelle protéine dans ton sang, que je n'ai pas sur moi… ? Se moque-t-il lui-même de l'absurdité de la conversation.

-          Tu as gagné, non ?! Si j'attrape le paludisme dans les prochains jours, c'est toi qui va m'emmener à l'hôpital !

-          N'est ce pas ? Si tu veux tu meurs même, les enfants de ton père ne vont pas finir…

-          Haha ! Tu es spécial comme ami…

Dis-je dans un éclat de rire incontrôlé.

-          Je savais déjà, c'est seulement un rappel que tu me fais là…

-          En parlant de rappel, fais moi alors le briefing sur les gens du pays…

-          Et on dort quand ? Tu sais qu'on décolle à 6h, non ?!

-          Est-ce que c'est alors toi qui conduis ?

-          Mais, ton corps ce n'est pas ton corps… Est-ce que j'ai menti ? Moi je suis mort, ton frère m'a amené partout dans Douala aujourd'hui ! Si tu me donnes maintenant le nom d'un quartier, je peux te dessiner le chemin qui mène là-bas, avec les gens qui font le Call-box dans chaque rue… Finit-il dans un bâillement qui trahissait son état de fatigue, avant de rire de la métaphore qu'il venait de faire !

-          Haha ! Ne me tue pas de rire gars… Dors mon pote, à demain seulement !

 



31/12/2009
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