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Au premier regard...

Au premier regard

 

 

 

-Henda, allez me livrer cet olivier en pot à L‘Habanero.

-D’accord mais c’est où L‘Habanero?

-Mon Dieu! Vous êtes sure d’avoir 20 ans?

-Euh…

-Sortez un peu de votre cité mademoiselle! L’Habanero est un bar sur la place du Tribunal, vous pouvez pas le rater! Allez ouste maintenant!

-J’y vais tout de suite Madame.

 

Et avec le sourire toujours avec cette vieille peau de Madame Reynier! Je me présente:

Henda, 20 ans, algérienne, fausse blonde,1m75, accro à la marque Burberry et à la nicotine. Ah oui et j’ajoute que je suis en mal d’amour, ça peut toujours servir pour la suite.

Je suis fleuriste, mais apparemment je suis aussi femme de ménage, chauffeur, serveuse et bien sur livreuse dans tout le centre ville.

Je travaille chez Mme Reynier, fleuriste favorite des bourgeoises en manteau de zébu. Ses prix sont tellement élevés qu’un mec pourrait, au lieu d’offrir des roses pleines d’épines à une femme qui ne veut pas de lui, se payer les dernières jantes à la mode!

C’est pas si horrible de travailler ici, ma collègue est une de mes amies d’enfance, Charlène. On joue les faux-culs à fond avec la vieille et on en rit dans les coulisses!

Bon c’est pas le tout, mais faut que je sache où se trouve cette foutue place du tribunal. C’est pas que je ne suis pas d’ici, je suis née ici mais la ville est un mystère.

 

-Charlène, chuchotais-je, c’est où la place du tribunal?

-Derrière le Jardin de Ville. Oh j’en peux plus, j’me suis pris au moins 5 épines dans les doigts, elle peut pas le faire elle-même?

-T’attends une réponse ma poule?

-Tu vas te planquer pour fumer?

-Tu me connais si bien! Sois pas jalouse!

 

Et hop, dehors sous le froid d’un mois de février sans manteau! Je marche vite pour me réchauffer et pour éviter d’agacer la vieille.

Il y a des mecs qui vendent des roses aux passants…Et moi, qui m’offre des roses?  Des couples se baladent main dans main et se bécotent en plein milieu des rues, beuark!!

-Je suis jalouse?

-Non, je trouve ça dégoûtant et inintéressant.

-Je suis jalouse?

-Pffft…

-…

-Bon, okay, je suis pas jalouse, j’ai la rage! Tous ces bonnes gens qui nous éclaboussent leur putain de bonheur d’être à deux en pleine gueule, ça me fait littéralement chier, j’avoue! Et alors? Vous êtes pas jaloux vous?

 

Cinq minutes plus tard, je me retrouve dans le Jardin de Ville, une grande place où traînent les toxicos et alcoolos de tous genres. Mais derrière il n’y a qu’un théâtre. Ah! Voilà l’ancien tribunal plus loin…une fontaine…un bar…l’Habanero! Je me dirige dans cette direction en préparant mon plus beau sourire, faut bien se vendre! L’intérieur de l’établissement est classe, des coussins de soie sont déposés tout autour de tables basses vernies, le tout entouré d’autres tables cette fois avec des chaises et des lys en pots.

 

-Bonjour, j’ai une livraison pour Mademoiselle Vella.

-Laurène, ton mec a encore frappé!

-Quoi?

 

Une jeune fille aux gros-seins-décolleté-plongeant sortait d’une pièce adjacente avec un air agacé. Elle était jolie par ailleurs et bien fringuée.

 

-Putain mais il peut pas me lâcher celui là? C’est le quatrième en deux jours!

-Euh…

-Ecoutez, laissez moi vous racontez. Je l’ai quitté la semaine dernière parce qu’il m’a trompée, tu te rends compte? Et maintenant il m’harcèle jusqu’à mon boulot! Bon d’accord, j’aime les olives mais quand même! C’est stupide… A ton avis je fais quoi?

-Euh…je sais pas…commence par prendre cet olivier, il pèse une tonne.

(C’était mort pour le pourboire!)

-Et?

-Oublies le! Il te sert à rien!

-T’as raison! Merci! Tu veux boire un verre, c’est pour moi.

-Non merci, je vais me faire engueuler si je traîne!

-Ok, à plus!

-Ouais ciao!

 

Mon dieu, c’est quoi cette fille? Moi pour la St Valentin je m’offre des fleurs à moi-même! Mais il l’a trompée, je comprends!

C’est pas le tout, mais faut que je cours! Ça ne m’empêche pas de m’allumer un clope, parce qu’il faudra tenir jusqu’à 20h et il n’est que 15h!

Mes cheveux volent au vent et ce vent me fouette le visage, aie, je vais être toute rouge en arrivant (et essoufflée)!

 

-Aie! Putain mais vous pouvez pas faire attention?!

Je viens de rentrer en collision avec un mec. A cinq mètres l’un de l’autre, on se lance un regard méchant, il ne dit rien et me fixe froidement.

-Tu vois pas que je cours?

Le gars se retourne et continue son chemin comme si j’existais pas. Crétin!

Cinq minutes plus tard je suis de retour dans le magasin. Charlène s’occupe d’une cliente en utilisant son sourire le plus faux cul pour lui vendre un vase inutile.

 

-Henda, allez rattrapez M.Reynier et remettez lui ceci. Allez! Un peu de nerfs il va partir d‘une minute à l‘autre!

Et c’est reparti pour une petite course!

Je lui cours après et cries son nom pour qu’il se retourne.

 

-Mme Reynier m’a demandé de vous remettre ceci.

-Oui…Merci jeune fille.

-Je vous en prie Monsieur.

-Eh mon petit, vous devriez venir avec moi, j’aimerais vous faire visiter la ville, me dit-il, avec un sourire des plus suspects.

-Je connais la ville.

-Oui, mais vous ne l’avez pas découvert avec moi. Réfléchissez-y!

-C’est tout réfléchi!

(Ce sale pervers! Qu’il ose poser ses pattes sur moi!)

 

J’avais envie de vomir. Comment une femme de 20 ans ne peut elle intéresser qu’un pépé de 60 piges ? En retournant dans la boutique à pas lents, j’étais entrain de déprimer grave! Tout ça n’est qu’une farce cosmique. Je ne suis pas moche pourtant, je suis gentille et drôle…Non?

-Si…, me dis-je tout haut.

J’étais de retour et Charlène fonçait sur moi.

-Putain, y’a un putain de beau gosse entrain d’acheter une rose! Je maudis la salope qui dort dans son lit!

-C’est la vie! Nous on se contente de rien. Ça te dit d’aller boire un verre ce soir ?

-Ouais, si…

-Excusez-moi.

 

Le dit beau gosse demandait conseil et je laissais Charlène s’en occuper.

-En quoi puis-je vous aider cher monsieur ?lui fit-elle en le caressant des yeux.

-Euh…en fait, je parlais à votre collègue. Et je voudrais m’excuser.

Qu’est-ce qu’il raconte c’lui là? Je me retournais et m’aperçut qu’il s’agissait du crétin de tout à l’heure.

-Bonjour, mademoiselle. Je voudrais m’excuser de vous avoir bousculer tout à l’heure.

-Et aussi de m’avoir suivie ?

-Euh…oui pour ça aussi.

Il était mal à l’aise, j’étais vraiment désagréable alors je me suis forcée à sourire.

-Je plaisante. C’est oublié, vous en faites pas. Et désolée d’avoir été…euh…

-Agressive ?

-Euh, oui, c’est ça. Il vous fallait autre chose monsieur ?

-Non, j’ai trouvé ce que je cherchais. Et cette rose est pour vous.

-…

 

 

****

 

-Bonsoir Mme Reynier!

-Passez une bonne soirée!

-A vous aussi Mesdemoiselles!

 

Il était 20h et notre journée de travail était terminée.

-Alors on va le boire ce verre?

-Quel verre?

-Tu m’as proposé d’aller boire un verre tout à l’heure…

-Ah oui, c’est vrai… Ouais ok, on y va.

-Hahaha!

-Quoi?

-Cendrillon a le cœur tout retourné par son prince charmant on dirait! J’espère que tu sais que je suis jalouse et que je te déteste?

-Oui, je sais! Et t’as raison!

 

On marchait en silence. J’étais perdue dans mes pensées, qui était ce mec aux yeux verts qui offre une rose à une fille qui l’a agressé?

Le centre-ville était déjà endormi, le soleil s’étant déjà couché depuis quelques heures et les magasins ayant déjà fermé leurs portes.

Sans savoir comment, on s’est retrouvées sur la Place du Tribunal où se trouvait le fameux L’Habanero.

 

-On va là? me demanda-t-elle.

-Ouais si tu veux. Espérons que la serveuse va pas raconter sa life.

-Quelle serveuse?

-Une fille à qui j’ai livré tout à l’heure, harcelée par son mec!

-Tu vois, c’est pour ça que je reste seule, ils sont tous cinglés et ils ont même plus assez de couilles pour se comporter comme des hommes !

-Quoi, tu veux me faire croire que t’es seule par choix?!

-Salope! J’ai décidé de rester seule! Je ne cherche plus à trouver l’amour. S’il existe il viendra me chercher, mais pour l’instant, mes mecs sont mes DVD. J’aime et je bichonne mes DVD, et mes clopes, et mes chats.

-Et genre, t’es heureuse avec tes DVD?

-Ouep! Mère Théresa est restée seule, et elle a été heureuse!

-Et donc? Tu vas faire comme elle? Tu vas pas écarter les cuisses de toute ta vie?

-…

 

C’était un fou rire libérateur après toutes ces heures de boulot!

En rentrant dans le bar, j’aperçus la Serveuse qui perçait ses points noirs devant le miroir du fond! Quand elle me vit à son tour, son visage se fendit d’un sourire amical. Comme si on était les meilleures amies du monde quoi!

 

-Eh, salut! Ça va? Moi ça va! continua-t-elle sans nous laisser le temps de répondre. Je me suis remise avec mon mec finalement! Eh oui, je l’aime trop, alors j’ai écouté mon cœur!

-Ok. Tant mieux pour toi!

(Et pour lui surtout!)

-On voudrait une table s’il vous plaît, lui dit Charlène, impatiente.

-Oui mettez vous où vous voulez! C’est pas un resto ici! Hahaha!

 

En se posant à une petite table près du comptoir, Charlène me souffla:

-C’est qui cette conne?

-Une conne.

-Alors qu’est-ce que j’vous sers les filles?

-Une Smirnoff pour moi.

-Une vodka-pomme pour moi, dis-je à mon tour.

-Ça marche!

 

 

 

En buvant sa Smirnoff à petites gorgées, Charlène me regardait du coin de l’œil.

-Alors?

-Alors, quoi?

-Fais pas genre! Tu sais ce que je veux dire!

-…

-Qu’est-ce que tu vas faire avec le beau gosse?

-Qu’est-ce tu veux que j’fasse?!

-J’ai vu! Il a écrit son numéro sur la carte! J’te jure Henda, si tu l’appelle pas, t’as pas intérêt à te plaindre encore que t’es seule et que personne veut de toi ou je te tues!

-Il m’a offert une rose.

-Ouais et la seule personne qui t’as déjà offert une rose, c’est toi!

-Nooon! Mon ex m’a offert une rose une fois.

-Qui? Ton ex qui t’as fait une réputation de salope dans tout le quartier?

-Mais grave, cet enculé là! Alors que j’l’ai même pas laissé m’toucher un seul sein!

-Hahaha! Henda, la plus grosse réputation de toute la cité et qui tremble dès qu’un mec s’approche!

 Ça nous faisait tellement de bien de rire autour d’un p’tit verre!

-Alors ?

-Il m’a offert une rose.

 

Bien sur, j’allais l’appeler. Il y avait un je-ne-sais-quoi dans ses grands yeux verts. C’était sûrement un arabe. Grand. Musclé. Sourire d’ange.

Bien sur, j’allais l’appeler.

 

****

 

Deux semaines plus tard, je n’avais toujours pas composé son numéro.

-Pourquoi ?

-Je sais pas.

-Pourquoi ?

-…

-…

-Parce que j’ai peur, voilà pourquoi ! Je ne sais pas quoi lui dire et j’ai peur de dire trop de choses. J’ai peur qu’il gâche tout aussi ! Parce qu’il m’a offert une rose et qu’il va gâcher le poème, ou je vais gâcher le poème ! Merde !

 

 

A ma pause de midi (même s‘il était 14h), je sortais du magasin pour aller bouffer un truc au McDo du coin.

C’est alors que je me fis klaxonner.

-Connard va voir ta femme!!

-T’insultes toujours les gens qui ont rien fait de mal?

 

C’était lui. Il était dans sa voiture, garée en double file.

-Je suis là depuis midi, je t’attendais.

-Pourquoi ? Tu comptes m’harceler longtemps?

-Non, pas très longtemps puisque tu vas manger avec moi.

-Tu rêves!

-Non j’rêves pas. Je t’invite à manger.

-Je n’ai aucune raison de manger avec vous, monsieur.

-Ah, tu me « monsieur » maintenant ?

-Oui, je suis quelqu’un de poli.

-C’est pas l’impression que j’ai eu mais, d’accord si tu veux, tu es quelqu’un de poli.

-…

-Ecoute, je ne veux pas t’harceler mais tes yeux ! Tes yeux ne me donnent pas envie d’abandonner. Et pour te donner une raison d’accepter, saches que je ne m’étais pas rasé depuis 5 jours et que je l’ai fait spécialement pour toi. Saches que je me suis coupé en me rasant et que j’en ai pleuré. J’ai versé des larmes pour revoir ces perles que sont tes yeux, en fait. Ca ne te touche pas ?

-Tu viens de l’inventer ?

-Non, ça fait une semaine que je répète !

-…

-Oh c’est un sourire que je vois…

 

****

 

J’étais dans sa voiture. Il m’a volée et je ne connais toujours pas son prénom.

-C’est quoi ton nom ?

-Lias.

 

Il  a di ça en souriant, comme s’il savait que déjà j’étais volée.

 

-Moi c’est…

-Henda.

-Comment tu le sais ?

-Ta collègue m’a vu t’attendre dehors alors elle est venue me dire d’attendre Henda.

 

Je ne sais pas si je voulais la remercier ou l’insulter mais elle me surprendrait toujours cette fille !

 

Nous sommes allés dans un petit restaurant italien. Chacun de ses deux grands yeux verts caressait chacun de mes mouvements.

Nous avons discuté et c’était si simple. Nous avons ri, parce que c’était si drôle. Et nous avons souri parce que, c’était si doux.

Il vit à Paris et est seulement en visite professionnelle à Grenoble, dans un hôtel.

Quand il me propose de lui rendre visite en début de soirée, je sais déjà. Je sais déjà que j’irais.

 

****

 

-Charlène ?

-Hum ?

-Je crois que…

 

Oui je croyais. Quelques semaines après cette nuit dans ses bras, je croyais. Il était toujours là, chaque jour, et il venait me chercher et m’emmenait. Chaque jour il me voyait et me regardait et chaque jour je savais.

 

Ce matin là, à l’arrêt du bus avec Charlène il fallait que je le dises à quelqu’un.

 

-Je crois que Lias est un mauvais garçon.

-Quoi qu’est-ce qu’il t’a fait ?

-Il m’a acheté des chaussures à 800 Euros.

-Non ?? Il a pas un frère pour moi par hasard ?

-Si on enlève le côté romantique de la chose et la honte que j’ai eu quand il a vu mes chaussures trouées…

-Hahahaha !

-Ouais j’avais envie d’en pleurer de honte ! Mais bon.

-Ben quoi ?

-Je crois que c’est un mafioso.

-…

-Je sais ça a l’air dingue mais y’a trop de signes…

-Nan mais faut qu’t’arrêtes de regarder des films toi !

-Charlène, il a des liasses de billets plein sa chambre d’hôtel à 400 Euros la nuit, il change de caisses toutes les semaines, il passe toujours des appels mystérieux ou il a des RDV avec des mecs bizarres.

-Comment tu le sais ?

-Ben je l’ai suivi !

-Mais tu lui as demandé ?

-Oui, il me dit qu’il est dans les finances…

-…

-Je crois aussi que je suis amoureuse.

-Comme si j’le savais pas ! Tu souris toute la journée, ça devient même saoulant !

-Et tu sais quoi ? J’crois qu’il m’aime aussi.

-Alors pourquoi t’as toujours pas couché avec lui ?

-J’attends le bon moment…

 

 

 

****

 

-Ma puce ?

-Oui ?

 

J’étais allongée sur le dos pendant qu’il caressait doucement mon ventre. J’étais si bien. Mais c’était effrayant. Je ne savais pas qu’être amoureuse pouvait être si violent. Tout son être me donne des frissons de plaisir. Sa personne toute entière. Son corps tout entier. J’aimerais pouvoir me fondre en lui et j’aimerais qu’il puisse se fondre en moi.

Il ne cherchait rien, il était juste là pour moi, pour me réchauffer…

 

-Je dois partir.

-Comment ça ?

-Je retourne à Paris.

-…

-Ecoute, ma vie est à Paris. Mais tu peux venir me voir tous les week-ends.

-…

-Bébé…Nous deux c’est pas fini. C’est seulement le début. J’ai repoussé mon départ mais maintenant je dois retourner à la vraie vie.

-Mais, c’est toi, ma vraie vie.

 

Puis il a déposé un baiser sur mes lèvres. Doucement, ou, avec douceur.

 

 

 

****

K.C



01/07/2010
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