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J'ai un sucre à te dire

« J’ai un sucre à te dire »

Ou

« Le Récit d’une inutile journée »

 

 

5h du mat’ ce matin là. Clara se levait péniblement après avoir balancé à travers la pièce son radioréveil offert par son père pour ses 20 ans. Non mais franchement, qui offre un radioréveil de nos jours ? Cette vieillerie donne plus envie de se tirer une balle dans la carotide que de passer une merveilleuse journée de plus sur cette planète. Si son père la connaissait réellement, il lui aurait offert une bouteille de gin, une cartouche de clopes et un bouquin intitulé « Êtes-vous en dépression ? ». Mais c’était bien là le problème, il faisait semblant de la connaître. Non elle n’était pas une jeune fille joyeuse et drôle, sereine face à la vie, et décidée à réussir. Sombre et torturée, voilà ce qu’elle était. Sa vie ressemblait un peu à « Sex and the City », sans le sexe et sans la city. Quant à réussir, elle était une étudiante attardée et avait passé son été à travailler comme femme de ménage dans un immeuble plein d’entreprises luxueuses.

D’ailleurs sa journée allait commencer, enfin recommencer.

 

Assise devant sa penderie, elle était perplexe. « J’vais pas remettre ce jean quand même, ça fait quatre jours qu’ils me voient avec… et cette chemise…non elle est pleine de ketchup… »

 

« -Clara, t’es pas en retard là?

-Si, pourquoi?

-Ils te reprendront pas l’année prochaine si t’arrives tous les matins en retard!

-Déjà j’ai pas l’intention d’y retourner l’année prochaine, et en plus j’arrive avant tout le monde, ils savent pas à quelle heure!

-Grandis un peu!

-Oui, maman. »

 

C’était tous les matins le même scénario. Clara pouvait réécrire à la minute près tout le déroulement de ses journées qui se répétait inlassablement, en une litanie incessante.

A 6h30, elle était à l’arrêt de bus et attendait le VFD (Vieille Ferraille Détraquée), en pestant contre les vieux pervers qui la klaxonnait au passage. Elle portait un short en coton blanc, un débardeur vert et de petites ballerines vertes qui faisaient sa fierté. Elle était très belle et plutôt bien foutue, sa poitrine généreuse s‘accordant parfaitement avec ses hanches fines et ses jambes interminables. D’après elle, Dieu lui avait donné un physique enviable à défaut d’une vie surprenante.

 

Quelques minutes plus tard le bus pointa le bout de son nez et la conduisit elle et tous les travailleurs exploités du coin. Elle se laissa aller contre le dossier de son siège en écoutant avec une certaine émotion sa musique du matin. Toujours la même. Only you. Elvis Presley était de ceux qui faisaient naître en elle un puissant désir d’être enlacée et cajolée. Si elle avait eu des pouvoirs magiques, sans doute serait-elle au coin d’un feu avec l’homme de ses rêves. Elle n’avait qu’un pouvoir de séduction qu’elle ignorait totalement, personne n’ayant jamais réussi à la faire rêver plus de cinq  minutes.

 

Elle se mit en marche à la descente du bus, l’arrêt étant séparé de son lieu de travail de quelques 500 mètres. Elle passa devant le cimetière encore plongé dans l’obscurité tout en se demandant ce que ça faisait d’être enfermé sous terre…elle partit dans fou rire et se dit tout haut: « je suis vraiment très conne puisqu’il sont morts avant d’entrer sous terre, ils peuvent pas savoir…bref ta gueule Clara tu te saoules toi-même là, et en plus tu parles toute seule alors arrêtes! »

« -Vous inquiétez pas Mademoiselle, moi aussi je parle tout seul des fois!

-Euh…Merci.

-Bonne journée!

-Vous aussi, et bon pipi! »

« Le monde est une place bien étrange. On pourrait attendre d’un mec qu’il ressente une certaine honte à pisser contre un poteau et qu’il se cache ou du moins qu’il essaie de dissimuler l’évidence mais apparemment la galanterie n’est plus ce qu’elle était et discuter les couilles à l’air est devenue une chose bien commune. Qu’est-ce qu’il dirait si je lui demandais l’heure tout en étant accroupie le cul dans l’herbe humide ? »

Sur ces pensées philosophiques Clara entra dans l’immeuble de son boulot et récupéra le courrier dans la boite aux lettres. Entre les lettres urgentes pour la directrice et les chefs d’entreprises se trouvait le journal du jour, l’affaire « Clearstream » continuait de défrayer la chronique et un incendie avait ravagé un immeuble social…triste monde tragique comme elle aimait si bien le dire!

 

Son travail commençait au 2eme étage. Elle mit en marche les machines à café pour les clients qu’elle aurait à servir un peu plus tard dans la matinée et sortit les plateaux de viennoiseries destinés aux salles de réunion. Après quoi elle prit son portable et enclencha sa chanson qu’elle aimait appeler « Sexy serpillière ».

Elle commença par nettoyer les toilettes tout en chantant très fort:

« What you want, baby I got it! What you need, you know I got it.. Just a little bit…Hey Baabyy!»

Les toilettes des hommes dégageait une odeur proche de l’asperge pourrie, elle déversa donc de l’eau de javel un peu partout en se demandant si  un homme sur terre savait vraiment viser. « Ils sont tous très fiers de leur machin mais quand il s’agit de s’en servir y’a plus personne! Ça me dégoûte, dire qu’après ils vont foutre ça ailleurs!»

-R-E-S-P-E-C-T! Find out what it means to me! R-E-S-P-E-C-T! Take care T-C-B!! OOOhhhhh!

-Oh mon dieu mais c’est vous ?!

-Oh…euh désolée je croyais être seule…

 

Monsieur Sac de Patates était devant elle et avait entendu son interprétation  de qualité discutable. C’était un homme aimable, souffrant de strabisme convergent et d’un bon en bon point, elle l’avait donc surnommé pour elle-même monsieur sac à patates. A ce moment là il avait la bouche pâteuse et les yeux bouffis…

-Vous dormiez monsieur ?

Il continuait de la regarder, les yeux écarquillés.

-Oui je dormais et j’ai cru que je faisais un cauchemar en vous entendant.

-…

-S’il vous plait, ne pensez jamais que vous avez du talent.

-…

-Bonne journée.

-A vous aussi.

 

Elle continua  comme si de rien n’était. Cette humiliation, pas plus qu’une autre, ne l’atteignait pas.

« De toutes façons Monsieur Sac à Patates, j’ai le talent d’une Whitney Houston des temps modernes, et d’ailleurs je t’emmerde bien profond! »

Elle était un peu méchante de temps en temps mais c’était d’après elle de la méchanceté positive, comme la discrimination, du même acabit.

Sacrée Clara!

 

 

 

Deux heures plus tard, assise derrière le comptoir de la cafétéria, elle attendait ses clients en lisant le journal de la veille. Elle ne le lisait pas vraiment mais elle trouvait que ça faisait terriblement intello de sembler plonger dans la lecture d’un article sur les nouvelles alternatives économiques  pendant qu’un client viendrait lui dire : « Bonjour Clara, ce sera comme d’habitude, un court pour moi avec deux p’tits sucres ma belle », et elle toute fière relèverait la tête en disant « Oh excusez moi je ne vous ai pas entendu, vous pourriez répétez? », « Un café court s’il vous plait. Vous semblez passionnée par votre lecture! », « Oui et je me disais que les économistes avaient le chic pour effrayer le consommateur moyen en utilisant des termes peu usités dans la vie courante! ». Et toc, voilà comme passer de vulgaire ré cureuse de chiottes à un esprit alerte et pertinent!

C’est ce qui arriva et elle répéta la même chose à tout le monde. Oui elle avait un cerveau, oui elle savait lire autre chose que le « Cosmopolitan », bien qu’elle n’y comprenne rien!

 

Les trois mousquetaires du 1er étage arrivèrent et s’installèrent  au comptoir en lui envoyant un sourire ultra-white qui signifiait « vas-y sers moi ma poule, tu sais que t‘en rêves! ».Ce qu’elle fit sans décoller les yeux de son journal. L’un était blond, les deux autres aussi et ils portaient tout trois la même eau de Cologne à  200 E.

 

-Eh Clara! Dites nous à votre avis c’est quoi un boulet social?

 (-Vous, vous êtes des boulets sociaux avait-elle envie de répondre mais elle se ravisa.)

-Des personnes accrochées à nous telle une moule à son rocher.

-Haha ha! Très drôle! Et vous en connaissez?

-Oui malheureusement, le pire c’est quand le boulet vous prend pour un boulet et mais bon on est tous le boulet d’un autre, lui dit-elle d’une voix morne.

-Quels sont les différents boulets que vous connaissez?

-Vous savez, on pourrait faire un film  sur eux, y’en a tellement.

-Dites toujours, ça nous intéresse!

-Eh bien. Il y a le boulet amical, un peu lourd mais sympathique qui passe son temps à vous appeler pour aller boire un verre et en prétendant que ça fait longtemps alors qu‘on l‘a vu il y a deux jours. Il y a le boulet amoureux qui reste collé à vos fesses pendant dix ans en y croyant toujours. Le boulet familial, c’est souvent une mère névrosée et envahissante, ou une sœur arriviste et kleptomane ou parfois un oncle aux blagues salaces que vous croisez dans le métro à 9h du mat‘. Le boulet du boulot qui se pense être un tombeur et qui est en constante parade nuptiale. Et mon préféré, le boulet inopiné.

Les trois hommes riaient, comme des boulets, en se tenant les côtes. C’était vraiment très drôle ce qu’elle leur avait dit, n’est-ce pas ?

-Qu’est-ce qu’il fait le boulet inopiné? Lui demanda le boulet blond numéro 2.

-Celui-là, on ne le voit pas venir. On ne le connaît pas. Il se trouve devant nous à la caisse de carrefour un vendredi soir à 20h30 et s’aperçoit qu’il a oublié de prendre des bananes. Qui a besoin de bananes sincèrement? On peut trouver des boulets inopinés au téléphone aussi, celui qui veut vous vendre un humidificateur d’espace à 3000 euros ou l‘employé de la préfecture qui peut pas comprendre que vous avez perdu votre permis de conduire, lui c’est un boulet qui vous prend pour un boulet.

 

Elle les laissa rire à gorge déployée et servit le café de la directrice qui n’y comprenait rien.

-Votre nouvelle employée est très drôle, Mme Bellin. C’est bien dommage qu’elle doive s’en aller en septembre!

-Eh bien je la garderais bien! Penses-y Clara!

-Oulaaa! Non je ne crois pas non!

-…

-Je veux dire, vous savez bien que je suis étudiante à temps plein et je dois dire que les études me manquent, bien que je me sente très bien ici bien sur.

 

C’était vrai, les études lui manquaient. Elle avait beau détester ses professeurs qui souffraient d’une sorte de complexe de supériorité intellectuelle et regarder avec mépris les autres étudiants pianotant leurs ordinateurs portables comme des sociopathes en panique, les études étaient cool et indispensables finalement!

 

 

Elle plaçait les tasses à café dans le lave-vaisselle quand elle se rendit compte qu’elle avait oublié  un boulet en particulier. « Le boulet sexuel! Mais oui, je l’avais zappé celui-là! Le mec qui garde ses chaussettes pendant qu’il est sur toi! Non. Lui c’est rien à côté de Mr. Bifle… »

Mr. Bifle était un de ses ex. Elle était sortie avec lui pendant une semaine. Le temps qu’elle se rende compte qu’il était nul au pieu, et étant partisane de l’adage du « Baises moi mal une fois, honte à toi. Baises moi mal deux fois, honte à MOI », elle l’avait rapidement effacé de son répertoire. Le voir se prendre pour un hardeur et lire dans ses yeux « OUAIS! Je fais comme dans les films de cul! » lui donnait l’impression d’avoir un gamin qui tente de se persuader que son sabre laser en plastique fait  vraiment de lui un mec de Star Wars alors quand il hurla « Dis-le que tu kiffes ça, p’tite salope !», elle fut contrainte de lui dire gentiment : « Sans vouloir te commander, est-ce que tu peux te casser maintenant ?»

 

 

 

Les clients continuaient de défiler, certains hommes étaient plutôt sexys et elles ne les laissaient pas indifférents mais Clara était obnubilée par ses morceaux de sucres.

Ils étaient enveloppés de papier de toutes les couleurs, des noirs, des bleus, des jaunes, des roses, des verts! Mais le plus important était qu’il disait tous un petit mot.

« On se fait un resto ?; Tu me manques; Tu penses à quoi?; Es-tu libre ce soir?; Un peu, beaucoup, passionnément ; T’as de beaux yeux!; Tu es merveilleuse…; Je suis désolé; Quel est ton secret?; Quel est ton parfum?; Tu es seul dans la vie?; Tu es sexy; Je t’aime; Veux-tu m‘épouser ?… ».

Ces petits morceaux de sucres la faisaient rêver. Elle s’imagina vivant avec l’homme de ses rêves qui lui laisserait chaque matin un de ces petits sucres dans sa tasse à café, rien que pour elle. Et elle ne gâcherait pas ces sucres, elle les garderait dans une boite toute sa vie en souvenir de ces premiers instants. Un jour elle se lèverait après avoir balancé le radioréveil à travers la pièce et insulté son sèche cheveux de salaud incapable, elle découvrirait dans sa tasse à café le sucre-jackpot « Veux-tu m’épouser ? ». Elle serait remplie de bonheur et sentant une présence derrière elle, se retournerait et verrait son charmant prince à genoux devant elle. Des années plus tard, elle montrerait ses sucres à sa fille en lui expliquant, le visage resplendissant, que l’amour était venu à elle un jour où elle s’y attendait le moins…

 

C’était si bon de rêver, en attendant elle passait ses vendredis soir à bouffer des smarties devant  « Les experts »…

 

Cette fois-ci, elle n’avait pas fait semblant, elle n’avait vraiment pas entendu le sympathique Mini Brad  qui se tenait de l’autre côté du comptoir et la regardait, son casque de motard branché,  à la main.

Mini Brad était un homme extrêmement soigné, aux yeux bleus translucides, il sentait divinement bon et était d’un sexy terrible! Elle entendait la chanson de Carla : « Je suis le plus beau du quartier, dès qu’on me voie on se sent tout comme envoûté… » Il aurait pu faire longtemps rêver Clara mais étant très lucide, elle avait compris que cette bombe était descendu du ciel pour la tenter mais pas pour lui céder puisqu’il avait tout du Gay assumé. Elle avait donc rapidement oublié le plan « Un peu de martini et ce soir tu es dans mon lit ».

 

Elle lui servit son café long, comme d’habitude en lui souriant gentiment. Il était si mignon!

- Dis-moi Clara, est-ce que tu aurais une cigarette à me prêter s’il te plait?

-Oui mais je prête pas, je donne!

-Mais non! Je te la rendrais demain!

-Tiens en voilà une! Si je devais rendre chaque clope que j’ai demandé, j’achèterais une cartouche alors disons que c’est gratuit pour cette fois!

-J’y tiens, je te la rendrais sans faute.

-Écoutes, comme tu veux.

 

Clara avait la ferme intention de la refuser. A défaut d’avoir un cœur en bon état, elle avait un cerveau et s’il lui rendait cette clope, elle serait tenue de lui en rendre une si jamais un jour elle se trouvait en panne de nicotine et qu’elle se tournait vers lui pour qu’il la sauve. Il faut savoir calculer dans la vie.

 

Elle ferma la cafétéria avant que des retardataires ne se pointent et s’en alla faire les bureaux. C’était redondant.

-(toc-toc) Bonjour! Vous allez bien?

-Très bien merci Clara! Voilà la poubelle!

-Merci! Bonne fin de matinée!

-Merci, à toi aussi Clara!

 

Le locataire du bureau 112 était absent mais il avait laissé des kilos de déchets sur son bureau, à l’intention de la femme de ménage, comme à l’accoutumée. Peaux de bananes, pots de yaourt etc.…

Elle décida que tout ça devait cesser. Qu’est-ce qu’il croyait le gros plein de soupe, qu’elle était à sa disposition ?

Elle prit une feuille de papier, un stylo et écrivit: « Monsieur, regardez à vos pieds. Il y a une chose extrêmement commode qu’on appelle communément une poubelle. Bonne journée. Clara ». Cet acte lui vaudrait sûrement une réprimande de la part de la patronne mais qu’en avait-elle à faire ?

 

Elle continua sa ronde en traînant des pieds et en jouant l’hypocrite dès qu’elle croisait quelqu’un.

 

Elle prit sa pause déjeuner à 12h30 et s’installa dans la cafétéria avec les filles qui s’occupait de l’accueil.

Elles avaient une conversation profonde à propos de la dernière relation de la standardiste. Clara décida de ne pas y participer de peur de dire une connerie.

-Je te jure ce mec est parfait!

-Ah ouais?

-Ouais, il embrasse comme un dieu, il est doux, il est gentil! J‘ai passé le plus beau mois de ma vie…

-Et le sexe c’est comment ?

- On n’a pas encore conclu! On a décidé de prendre notre temps.

Clara ne put s’en empêcher. Un morceau de pizza dans la bouche, elle la regardât avec des yeux ronds:

-Ça fait combien de temps que tu sors avec lui?

-Un mois bientôt!

-Tu sors avec ce garçon depuis un mois et tu n’as toujours pas eu accès à sa base de loisirs ? J’t’en prie vas voir un psy…

-Il m’a dit que nous prendrons notre temps, je ne vois pas ce qu’il y a de mal là-dedans!

-Les femmes pensent « nous », lui et moi, les hommes pensent « nous »: moi et ma queue! Et « elle » n’a pas de temps à prendre!

-Qu’est-ce que tu veux dire par-là ?

-Je crois qu’elle veut te dire qu’il a sûrement quelqu’un d’autre dans son lit, lui répondit Mini Brad qui était au fond de la cafétéria.

-Quoi? Et toi qu’est-ce que tu veux dire par là ?

-C’est un mec, s’abstenir fait pas partie de son vocabulaire!

-Il croit au coup de foudre, comme moi!

-Non non! Je suis désolée ma belle mais un mec croit pas au coup de foudre, il croit au coup de rein. Je suis un mec, j’te le dis.

-…

-Mais non écoute le pas, lui dit sa collègue essayant de la rassurer. Tous les mecs sont pas les mêmes! T’as trouvé la perle rare!

-Tu crois?

-Mais oui!

 

Clara ne disait plus rien, elle regardait Mini Brad totalement subjuguée par son charme et ses paroles. Lui aussi la regardait en souriant. Les deux jeunes filles s’en allèrent en les regardant comme des parias de l’amour.

 

-T’es une incroyable comme fille!

-Toi t’es un gay particulier Mini Brad!

-Quoi?!

-…

-Mais j’suis pas gay t’es folle ou quoi?

-T’es pas gay? Mais…

-Quoi c’est pas parce qu’un mec passe plus de temps que toi dans la salle de bains que c’est un PD!

-Ben…euh…oui.

 

Mini Brad s’en alla le pas pressé, il avait l’air blessé. Et puis merde, qui lui a dit de porter ces chaussures en daim Gucci et cette chemise à carreaux digne d’un bricoleur américain? Elle l’avait même surnommé YMCA avant de lui trouver une ressemblance avec Brad Pitt…

 

 

La pause terminée, elle retourna à ses poubelles et chiffons après avoir fermé la cafétéria. Il ne lui restait qu’une heure de travail, heure qu’elle réduirait à trente minutes.

Elle passa l’aspirateur dans les couloirs et dans l’immense hall d’entrée en chantonnant et en pensant.

La vie était bizarre parfois. Elle n’avait pas la moindre idée de ce que l’avenir lui réservait, elle n’avait rien prévu pour ça, aucune garantie. Les filles de son âge commençaient à se poser avec des mecs qu’elle trouvait trop ennuyeux.  Elle se pensait sinistre et affligée mais espérait tellement plus, tellement mieux: «J’veux des clairs de lune, des fleurs, des douceurs et des mecs qui me serrent dans leur bras. Personne ne me serre dans ses bras. Merde! J’veux être traitée comme une vraie dame! Un homme avec de vraies couilles! ». En réalité ce qu’il lui fallait c’était un homme qui lui donne ne serait-ce que l’envie de clairs de lune, de fleurs, de douceurs et de sucres surtout.

 

Elle rangea son aspirateur et ses serpillières avec un sourire incertain. Elle prit son sac, et en retira deux des morceaux de sucres qu’elle avait volés : «Je suis désolé » et « T’as de beaux yeux ». Elle se faufila dans la cafétéria et fit un café long avec le maximum d’affection qu’elle pouvait donner, espérant qu’il le ressentirait en le buvant.

 

 

Quelques minutes plus tard, elle était devant son bureau, son sac dans une main, le café dans l’autre et les sucres entre les dents. Elle disposa élégamment la tasse avec les sucres devant la porte, frappa deux grands coups et s’enfuit en courant dans les escaliers en souhaitant ne pas bêtement se péter une jambe ou un bras. Elle venait de faire un truc de dingue et en était toute tremblante d’admiration pour elle-même. Elle sortit en trombe de l’immeuble en se disant que décidément, elle avait toujours 16 ans. Elle savait qu’en bonne attardée sentimentale elle trouverait un moyen de se cacher sous l’évier le lendemain mais au moins cette journée n’avait pas été si merdique que ça!

 

 

 

                                                                                      K.C



01/07/2010
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