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Division SS Das Reich!

Division SS Das Reich!

 

10 Juin 1944. J’ai 8 ans. A Oradour-sur-Glane il n’y a que deux exploitations agricoles et papa possède la première, la plus proche du centre-ville de la Commune. Ces derniers temps, j’ai souvent entendu papa dire qu’ils ne se laisseraient pas faire, que les allemands paieraient pour leurs fautes. Maman dit que la guerre ne finira jamais et que les allemands nous auront à l’usure mais c’est une femme alors personne ne l’écoute, papa pense qu’elle se laisse gagner par l’émotion.Tout ce que je sais moi, c’est que les allemands ne sont pas méchants, quand ils passent dans le village, certains me sourient et il y en a même un qui m’a donné des bonbons une fois, mais maman les a jetés en disant qu’il pouvait y avoir du poison à l'intérieur. Aujourd'hui ils sont là, je les ai vu sur la place du Champ de Foire en allant chercher le pain tout à l‘heure, ils parlaient avec le garde champêtre. Je pensais à la minuscule robe que je fais avec l’aide de maman pour la poupée que m’a offert pépé, elle s’appelle Irène…  

Le garde champêtre est passé à la maison tout à l’heure, ils nous a dit d’abandonner ce qu’on faisait et d’aller tous ensemble sur le Champ de Foire pour une vérification d’identité. Il a bu un verre de pastis avec papa avant d’y aller et m’a tapoté la tête avant de sortir. Nous avons du laisser pépé tout seul parce qu’il dormait. Sur la route on a rencontré d’autres habitants du hameau qui se rendaient comme nous, au Champ de Foire.Le champ de foire est un lieu important pour nous! Tous les mariages et les fêtes religieuses se font là. L’église est à quelques mètres et après l’office du dimanche les hommes s’y retrouvent pour jouer à la pétanque pendant que les femmes préparent le repas au café Orador de Glana, juste en face. Je ne l’ai pas dit à maman mais Guy, le fils du laitier, m’a donné un baiser furtif sur le Champ; il dit qu’on se mariera et qu’on aura sept enfants ensemble! Je lui ai donné mon pendentif en argent, c’est une croix et il dit qu’il la gardera toujours avec lui.


En chemin on a vu le barbier avec son père qui n’arrive plus à marcher correctement. Papa lui a demandé pourquoi il ne l’avait pas laissé à la maison mais le barbier lui a répondu que tous sans exception et sans délai devait s’y rendre. Maman m’a donc demandé à moi d’aller chercher pépé alors j’ai fait demi-tour.En chemin j’ai vu Guy avec ses parents et il m’a sourit!J’étais si heureuse que je n’ai pas vu pépé qui venait à ma rencontre. Il marche lentement à cause de son âge. Arrivé à ma hauteur il me dit d’aller à la maison et de descendre à la cave. Il ne faut pas que je remonte avant d’avoir trouver sa grosse boite en fer mais il ne se souvient plus où il l’a mise.


Je ne sais plus combien de temps j’y suis restée mais au bout d’un long moment j’ai entendu du bruit là-haut. Puis la porte de la cave s’est ouverte. Un homme est descendu et il portait l’uniforme, avec l’aigle noir qui tient la croix gammée entre ses serres. J’ai repensé aux bonbons et j’ai eu peur. Il m’a regardée, pendant longtemps. Puis il a crié: « Es ist niemand hier! ». Je n’ai pas compris ce que ça voulait dire. Il m’a sourit et il est remonté là-haut et puis j’ai entendu beaucoup de bruit, des meubles qui tombaient et des rires aussi.J’avais si peur et j’ai attendu longtemps, longtemps, longtemps, avant d’oser remonter à la surface de la terre.


Quand je suis remontée il faisait encore jour et pourtant j’étais restée longtemps. Je ne reconnaissait plus la maison, tout était brisé, même l’aspidistra en pot de maman était renversé sur le sol , la terre éparpillée sur plusieurs mètres.Je suis sortie de la maison et le soleil m’a éblouie. C’était bizarre qu’il soit si haut dans le ciel alors que je suis restée si longtemps. J’ai senti comme une odeur de grillé et je me suis dirigée vers la Champ de Foire, peut-être y avait-il une fête improvisée. Pépé m’en voudrait sûrement de ne pas avoir trouvé sa boîte mais je lui expliquerais ce qui c’était passé. 


Sur le chemin j’ai admiré le champ de tulipes rouges, elles ont toutes éclos maintenant et je trouve ça très beau. Je m’arrête pour en cueillir quelques unes pour pépé, il sera content!
J’arrive au Champ de Foire en courant et je vois de la fumée qui s’élève d’une masse au centre de la place. Ils y a des corps, des corps calcinés qui ne bougent plus. Leurs visages hurlent, mais aucun son ne sort. Des fagots, des bottes de paille.J’ai voulu me réfugier dans l’église mais elle n’était plus rien. Des corps gisent sur les dalles, visibles à travers l’ouverture brisée d’un vitrail.De la paille et des fagots. Et j’appelle, j’appelle maman! Papa! Pépé! Longtemps. Mais personne ne répond. J’ai froid, le soleil me donne froid. Et je suis toute seule.Il y a un éclat sur le sol près de l’église que j’aperçois à travers mes yeux embués. Une croix en argent, c’est la mienne; il me l’a laissée là, Guy. J’ai le tournis et le sol me paraît tanguer comme le pont d’un navire. J’attends longtemps que quelqu’un vienne s’occuper de moi et je sens pendant tout ce temps, mon corps brûler d’une douleur lancinante. 


Près du coin où nous jouons, les traces d’un jeu de marelle. Au sol, quelques mots à la craie, huit cases, l’enfer et le ciel. Je m’assieds, sous le sol pleureur du Champ de Foire.
Il y a une voiture abandonnée pas loin et j’arrive à lire l’inscription sur le côté: « SS Das Reich ».
C’était le 12 juin que j’ai découvert que tout était brisé, je n’étais pas remontée à la surface de la terre.

La croix d’argent, alésée, rehaussée de sable, d'un brasier de gueules mouvantes, cantonnée de deux dagues, la garde de sable, posées l'une en bande, l'autre en barre, la pointe vers le centre de la croix.

 

 

 

K.C



01/07/2010
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